Pencher la tête un peu pour écouter la terre
chanter sans personne les secrets du péril
l'inassouvi léger, le silence du tournoi.
Je n’écris pas pour toi, oiseau rêche des buissons
Fuseau des haies
Mais pour l’océan auquel l’homme s’adosse
Les bras lourds de ses espoirs bannis.
Mon frêle et gracile
Mon garçon
Mon petit miel qui rit
Ma lecture innée
Mon sommeil de moissons
Mes sillons résumés
Toi qui manques au jour comme la nuit au monde
Guettant son repos sous la lampe
Toi dont les yeux marchent au repaire
Humant le seuil de chaque vent
Toi qui effeuilles demain de tes doigts détachés
Vérifies et cales le sillage
Toi qui n’es pas, que j’invente
Mon compagnon rendu
Mon épaule promise.
La fenêtre est ouverte sur un biais d’été.
Un peu blanc, le matin s’agite.
La ville fait du bruit.
Le puits de tes yeux.
Il y a le puits de tes yeux.
Leur ombre dure et fraîche
Leur margelle de pierre par laquelle tomber.
Je voudrais écrire un poème doux comme une orgie délaissée.
Il aurait la fourrure des siècles et passerait sur tes cheveux comme une ramée de fable.
Je voudrais commander aux siècles d’orchestrer les nuées, et qu’elles donnent leurs cantiques à rebours de tes peines.
Il faudrait glisser doucement le long des roseaux distraits, accumuler en viatique le balluchon du chemin. La glaise, l’argile, l’ardoise même pour la table alanguie aux multiples heures, pour l’ardeur écrasée, lézardée d’oraison.
L’arbre
Ses fruits
Son ombre sur les hommes
Son goût sous nos paupières d’enfants.
Lorsque tous les temps auront gelé
Ne laissant qu’un chagrin sans guêpe
Ses racines viendront toucher nos seuils
Invitant les fleurs éteintes
À dîner sur la terrasse
Où la mémoire simplement
Tire quelques chaises.
Rebours
extrait 1
La nuit ferme ses lèvres
Sur la coupe laissée par le dernier dormeur.
Par un piédestal dérobé nous fuyons son front
Les ères advenues
Celles qui ne commenceront pas.
Des étoiles jumelles crient à l’horizon
Se déclinent savantes
Bien que percées sur le calque des vœux.
Si la voûte signait
Nous nous rangerions aux couleurs qu’elle verse
Les feuillages enfleraient en un secret de fruits
Et sur les ponts la musique naîtrait
Comme l’honneur de l’aube au matin inédit.
…
Rebours
extrait 2
Mais il faut peser l’illusion
Glisse la mécanique
Sans sonner se décale d’un cran
Ô partir mais où
Menteur, l’arrière-pays n’a gardé
Qu’une griffe seule accroupie et buvant
Le mince filet qu’on lui avait confié.
Cette sente mène aux racines maigres
Où l’homme raréfié
Grignote sa chaleur comme un biscuit de pirate.
Ni l’enclume ni la roue ne réclament leur dû.
La main qui se lance ne retombera pas.
Au cœur des antres, sous les vallées, gisent des lettres,
en tas.
Une sultane sucrée, attachée à son sac. Une fée de vélin à son oreille. Une esclave de souk, brodant. Une môme soufflant des pierres blanches. Une princesse aiguë libérant des volières. Une marraine attachant les terreurs. Une souveraine à cape.
Courbe penchée, source défaite.
Un serment qui frémit, clôture ouverte.